Fraispertuis City représente ce qu'il se fait de mieux à son échelle pour un parc Régional. Thématique, variété d'attractions, accueil irréprochable... Nous avons rencontré Patrice FLEURENT pour comprendre ce qui fait la réussite de cet écrin d'aventure, au coeur des Vosges !
Crédit photo : 100%Vosges
Fraispertuis City est l'évolution d'une plaine de pêche à la truite à un parc d'attractions. Comment s'est passée cette évolution ?
Au début, c'était une sorte de guinguette. On s'y retrouvait pour boire un verre et profiter de l'étang. Mon père, par filouterie faisait des prêts bancaires en 1966 sous sa casquette d'agriculteur. Essayez un peu de demander un prêt pour un parc d'attractions il y a 60 ans, on vous montrait la porte immédiatement, ou pire, le chemin de l'asile... Alors il s'est auto-désigné pisciculteur, avec un plan d'investissement portant sur des ponts, étangs, aménagements à truites... Tout ça n'a jamais vu le jour puisqu'avec l'argent récolté, il achetait des balançoires, un petit train et autres... On a même jamais vu naître de truites ici au final (rire). Le crédit agricole prêtait aux ruraux, avec des truites et des poneys, on avait la chance de pouvoir y accéder. On avait alors des pistes de jeu de quilles qui attiraient les joueurs jusqu'à tard dans la nuit, la pêche à la truite, les poneys, le pédalo... Puis, en 1978 la mine d'or est née une attraction faite de poupées de chiffon qui plaisait beaucoup. Durant les années 1980, la crise a fait que les visiteurs ne consommaient plus sur le parc, c'est devenu difficile pour entretenir les installations. On est donc passés en entrée payante. L'année pivot c'est 1988, avec l'achat de notre premier coaster !
Comment s'est passée l'arrivée de ce premier coaster au parc ?
Le coaster s'appelait le TGV, aujourd'hui devenu "Tacots en folie" au parc Ange Michel. Mon père était à table avec Mr Soquet (constructeur d'attractions NDLR). Il a sorti un stylo de sa poche, a crayonné un parcours de grand huit sur la nappe en papier. Mon père a alors demandé "Combien ?". Il a écrit 1MF (Un million de Francs). Mon père a parafé "Bon pour accord", déchiré le coin de nappe pour le photocopier et le bon de commande était signé ! En Juin suivant, on recevait le coaster, qu'on déchargeait plein de peinture fraiche sur le parc !
Comment se prépare l'arrivée d'une nouveauté comme "Les Draisines" ?
On sait quel modèle on positionne, il faut alors dessiner la file d'attente. Alors je fais un croquis, je le présente en interne et on se dit "On y va" ou "Nul, il faut recommencer". On veut faire simple au début mais on rencontre d'autres besoins au fur et à mesure... Le compresseur, ça fait du bruit, il faudrait un petit bâtiment, alors on le thématise, un vieux hangar en briques pour camoufler ça, c'est mieux. Alors on monte un bloc technique en pré-murs rapidement pendant la nuit qu'on doit ensuite thématiser... C'est du travail, mais c'est passionnant !
Une tour aussi impressionnante que Golden Driller dans un parc familial, pourquoi ?
Quand on monte d'un niveau en sensations, on rend les modèles inférieurs plus accessibles aux yeux des visiteurs. La tour de chute "Cactus" n'attirait que 10 min de file d'attente à ses débuts. Depuis Golden Driller, on a renforcé avec un 2nd opérateur pour gérer le flux qui dépasse même dans l'allée par moments. La grande tour entraine les plus frileux vers le modèle du dessous. Quand on a contacté Intamin pour leur demander un devis sur une Tour de Chute, ils ont par 3 fois envoyé le devis sans l'option "Position debout", la jugeant trop chère pour nous. On m'a toujours dit "L'important c'est pas la hauteur de la tour, c'est les sensations ressenties, une tour de chute en position debout ou inclinée, c'est transcendant". Le devis avec la position "Assis incliné" c'est +100k€, "Assis à califourchon" c'est +150k€, "debout" c'est +250k€. Alors on a insisté pour avoir le tarif avec 4 positions différentes. On a réfléchi et on s'est dit qu'il fallait les 4 positions pour créer un modèle fou.
Thématique Far West, Pirates, Mexique, y'a-t-il une volonté d'étendre le parc sur un autre Univers ?
On crée des zones complètes, si c'est pour créer un tipi avec un pauvre manège, ça faut pas le coup. Si par contre demain on dégage 10 hectares (ce qui n'est pas prévu aux alentours), on pourra étudier ça, mais pas pour le moment, on préfère capitaliser sur les zones existantes en continuant à les faire vivre avec des nouveautés.
Aujourd'hui je me heurte à la question environnementale liée à la zone humide de la vallée. Si j'investis 15 à 20 millions, avec des bâtiments et infrastructures, ça va attirer du monde, 50 à 75.000 visiteurs de plus probablement. Seulement il faut stationner les voitures, donc étendre le parking, sur ces zones "dites" humides non exploitables. On réfléchit donc à des mesures environnementales compensatoires pour pouvoir les exploiter... C'est complexe mais c'est en cours...
Comment on choisit la direction à prendre pour les nouveautés ?
C'est surtout une histoire de coup de foudre ! À chaque investissement important, on fait monter le niveau du parc et le nombre de visiteurs. Les grandes nouveautés attirent aussi sur les plus petites. On fait attention à se différencier des autres parcs pour ne pas avoir la même attraction qu'à côté, mais en même temps, un flume, il y'en a dans tous les parcs, c'est que c'est une valeur sûre. Les draisines existent ailleurs dans le modèle classique, alors on a choisi le modèle XL qu'on a fait thématiser par Technical park. Ce qui nous a plu sur Timber Drop, c'est la place qu'il prend. Ici le mètre carré est précieux, plus encore que sur les Champs Élysées ! Sur le choix de Timber Drop, on a hésité avec un modèle Launch Anubis (Plopsaland), El loco, Thirteen (Alton Tower), qu'on a essayé, c'est finalement un modèle compact comme Timber qui l'a emporté pour plein de raisons.
Quand la place ne sera plus un problème, quelle sera la future nouveauté du parc ?
On est plus vraiment dans le secret, on prévoit un Dark Ride & un coaster. Ce qui va attirer des visiteurs, c'est un coaster. Le Dark Ride était à l'origine prévu dans la mine d'or, mais c'est pas vraiment viable : C'est en étage, pas adapté aux PMR, il faut refaire l'étanchéité, c'est trop petit... on met ça dans les cartons et on verra plus tard. Sortent régulièrement des layout intéressants, des concepts et des idées nouvelles pour les coasters. On programme une grande nouveauté tous les 5 à 6 ans (Flume, Grand Canyon, Pirate attack, Timber Drop, Golden Driller...). Dans l'idéal, en 2024, ça arrivera au parc ! Pour l'instant, le modèle n'est pas choisi, on voyage, Fred (conseiller du parc & en charge de la stratégie com') est de bons conseils en faisant le tour des USA pour rider ce qui se fait de mieux... On verra ce qui se dessine dans les prochains mois !
Y a-t-il des projets qui faute de place, de budget n'ont pas vu le jour ?
Pour la partie public non, pour la gestion, oui ! On aimerait avoir un local technique, un vestiaire personnel, une salle de formation, une salle événementielle 100/150 personnes... C'est en réflexion, je dois me poser sur les plans ! On a toujours des chantiers : la cascade derrière le rocher mériterait de voir le jour, changer la sonorisation du parc en fibre optique, s'équiper en caméras de surveillance... tout ça prend du temps, mais on y travaille.
Vous êtes membre du SNELAC, qu'est-ce que ça vous apporte au quotidien ?
L'idée, c'est le partage d'informations, de connaissance & d'expériences. Il y a plusieurs commissions : Technique, merchandising, billetterie, restauration... On a répertorié toutes les attractions & installations de tous les parcs membres du SNELAC (Syndicat National des Espaces de Loisirs, d'Attractions et Culturels) et on sait à qui s'adresser quand on veut partager une info, ou demander un conseil. Dès qu'il y'a un sujet nouveau, on prévient les membres de l'incident, du besoin à combler, de l'idée d'aménagement, pour aller dans le sens de la sécurité et du confort (aussi bien visiteur que des équipes). Pour ça, on rédige une fiche RETEX (Retour d'expérience) pour indiquer comment on traite le problème ou l'attention que doivent avoir les parcs pour ne pas se retrouver dans la même situation. On se réunit souvent et on est en échange constant pour s'entraider, on se connait tous !
Avec une baguette magique, qu'est-ce qui serait magique à Fraispertuis City ?
J'avais un rêve à une époque, c'est un "It's a small world" version Fraispertuis City, avec les personnages mexicains, un univers Western, indien... Aujourd'hui, j'en suis moins convaincu parce que l'automate plait ou déplait, c'est soit authentique soit kitch... Quand on voit le Capitaine Fraisp' devant la crique des pirates, c'est très réussi, il a 10 ans, mais les gosses s'y attardent et s'amusent toujours autant de le voir parler ! Il y'a du potentiel, mais il faut encore trouver la baguette magique...
Un immense merci à Fred, Maxime, Patrice & aux équipes du parc pour leur accueil d'une sympathie et authenticité rare. On reviendra vite !
Comments